Avant d’en dire plus long, sachez que je suis un fervent défenseur de la dématérialisation. Je trouve louable, toute initiative qui conduit à rendre une démarche possible à toute heure de la journée et sans avoir à utiliser papiers et enveloppes. Si en plus cela concerne des services publics, je suis très enthousiaste.

Malheureusement, je suis aussi défenseur de l’accessibilité. C’est ce qui me conduit à écrire cet article.

Le sujet

Aujourd’hui, certains nous vendent la dématérialisation comme « La solution à tous les problèmes administratifs », « Cela va sauver le service public et les collectivités ». Suivi par des arguments bien trouvés et parfois une phrase malheureuse « Il faut y passer, nous n’avons pas le choix ».

Sur le papier tout est bien (oui, j’ai trouvé l’expression appropriée).

Note : J’ai toujours un peu de mal, quand on me dit dans une même conversation :

• C’est la solution.
• On n’a pas le choix, il faut faire comme ça.

Mon cerveau compile les informations et affiche alors un énorme « Warning ».

Mais ce n’est pas là le propos de cet article.

Nombre de solutions visant à la dématérialisation existent déjà. Nous les utilisons un peu plus chaque jour. Voici quelques exemples :

• Impôts.
• L’assurance maladie.
• Déclaration de nourrices.
• Déclaration URSAF.
• État civil, pièces d’identité, extraits de naissance (pas dans toutes les villes).
• …

C’est génial !

Le problème d’accessibilité

Oui, mais combien de ces sites et services sont accessibles pour tous ?

Il n’y a rien de pire pour une personne en situation de handicap qui arrive dans une mairie, que de découvre le scénario suivant :

• Apprendre qu’il faut aller sur un site pour entreprendre une démarche administrative.
• Arriver sur un site inutilisable au vu de son handicap.
• Avoir à contacter un service d’assistance (pas accessible pour les sourds s’il n’est disponible que par téléphone).
• Avoir à attendre avant d’être mis en commination avec le service d’assistance.
• Durant l’attente, entendre dire qu’il faut aller sur le site avant de téléphoner…
• … raccrocher…
• Se lever le lendemain pour aller chercher la version papier du document à remplir.
• (Ou, avoir à attendre un jour de plus pour avoir un transport accessible pour aller chercher le document en question).

Il ne s’agit là que d’un exemple imaginer pour illustrer mes propos, mais il ressemble à ce que certaines personnes ont déjà pu vivre.

Certains services ont eu besoin d’un peu de temps pour être accessibles. Je pense par exemple au cas de la déclaration d’impôts. Cette déclaration était d’une complexité sans non les premières années même pour une personne sans handicap (à supposer que cela existe). Ceci du fait d’une solution technique ultra lourde. Le service est ensuite devenu plus simple d’usage, et puis il est devenu « accessible ». Il a fallu attendre quelques années pour entendre parler d’aveugles qui arrivaient à saisir leur déclaration seuls.

D’autres ne le sont pas malgré le RGAA. Comment est-ce possible ?

Le problème de mise en œuvre

Il faut pouvoir discuter avec des personnes de l’IT et des développeurs qui travaillent pour des services publics, pour saisir les complexités qui se cachent derrière l’accessibilité de leurs services. J’ai eu cette chance lors de certaines conférences et tables rondes.

Pour résumer simplement et en peu de mots :

• Certains services sont produits en interne.
• D’autres sont le fruit de commandes passées à des prestataires.
• Pour les collectivités, il s’agit souvent d’une solution acquise via un éditeur spécialisé.

Le processus des appels d’offres complexifiant le processus de commande, il est rare que l’accessibilité soit travaillée en amont.

À la commande comme à la livraison, la conformité au RGAA n’est pas constamment vérifiée. Les choses semblent cependant évoluer.

Mais il y des personnes qui ont compris que les choses évoluaient et qui trichent.

Comment peut-on tricher avec l’accessibilité ?

L’accessibilité n’est pas toujours un sujet maitrisé par les personnes qui commandent une solution de dématérialisation. La solution trouvée par certains consiste donc à faire semblant de « montrer patte blanche ».

Leur site dispose donc d’une page liée à l’accessibilité (jamais plus). Si ce n’est pas sur le site, la page est sur une plaquette publicitaire, ou dans leur réponse à appel d’offres.

Le contenu de cette page comprend rarement plus de quelques paragraphes. En général, il ne fait que dire que le RGAA existe.

L’acquéreur a constaté la présence du mot accessibilité (certains diront qu’une page, c’est déjà beaucoup). Le « critère RGAA » risque alors d’être validé alors que l’éditeur n’a pas démontré de connaissances du sujet. Si en plus il n’y a pas de vérification à la livraison, la supercherie n’est jamais découverte.

Quelles sont les solutions ?

Dans le domaine de l’accessibilité, il n’y a pas cinquante solutions. Une solution accessible est une solution qui a été testée et/ou auditée par des professionnels. Si vous n’êtes pas en mesure de faire vous-même les tests, ou n’avez pas les compétences pour, il y a toujours une solution.

Vous pouvez constituer un panel de testeurs en situation de handicap (des associations locales ou nationales peuvent vous aider).

Vous pouvez faire appel à des auditeurs spécialisés. Comme à mon habitude, je ne ferai pas de publicité, mais je répondrai volontiers par mail pour donner des noms de personnes et de sociétés.

Dans ce domaine, on a toujours affaire à des personnes impliquées et motivées. Si vous sentez que vos interlocuteurs n’ont pas de réelles convictions en faveur de l’accessibilité, c’est que vous n’avez pas trouvé les bonnes personnes.

Si votre éditeur est bien au fait du RGAA, il a de bonnes chances qu’il puisse vous présente un rapport d’audit de sa solution (audit interne ou externe).

Moralité

• Oui à la dématérialisation.
• Non, ce n’est pas la solution pour tous. Si elle n’est pas accessible, elle crée d’autres problèmes.
• Oui, il faut rendre la dématérialisation accessible pour qu’elle soit vraiment disponible pour tous.