Peut-on dire que l’on ne sait pas ?
Voici un article que je pense écrire depuis longtemps. Mais par manque de courage, je me suis toujours abstenu. À 45 ans passés, il est temps que je me lâche un peu.
Fidèle à mes mauvaises habitudes, je vais commencer par la fin : oui, je pense que l’on peut et même que l’on doit dire quand on ne sait pas. J’expliquerai mes raisons en conclusion de cet article.
Mais avant d’en arriver là, voyons quelques éléments qui poussent certains développeurs à vouloir faire croire qu’ils savent tout. J’ai classé ceux-ci en trois catégories :
- L’âge / l’expérience.
- La personnalité.
- La culture d’entreprise.
L’âge / l’expérience
Nombre de jeunes développeurs pensent qu’il ne faut jamais dire qu’ils ne savent pas répondre à une question technique, ou à un problème. Après tout, Google et Stack Overflow sont toujours là. Cela ne vaut pas la peine d'être prudent.
D’autres pensent vraiment tout savoir. Ils répondront donc toujours, même s’ils ne se rendent pas compte que leurs réponses sont limitées à leurs connaissances à l’instant T.
J’ai déjà constaté le même type de comportement chez des développeurs et chefs de projets fraichement promus.
Le manque d’expérience n’est pas une tare. Il faut savoir se rendre compte que l’on ne sait pas tout et que l’on ne peut pas tout savoir. Si vous êtes jeune diplômé ou maquez un peu d’expérience, il ne faut pas hésiter à dire que vous avez besoin de travailler le sujet avant d’y répondre.
Il n’y a rien de pire que de s’engager fermement devant des utilisateurs ou des clients pour finir par les décevoir au dernier moment.
La personnalité
Malheureusement, il y aura toujours des personnes qui ne voudront jamais dire qu’elles ne savent pas. Si tel est votre habitude, je suis désolé de vous faire perdre votre temps. Vous savez déjà tout, cet article ne sert donc à rien. Je vous encourage à chevaucher votre destrier tel le chevalier blanc, et à aller sauver le mode.
J’ai déjà eu à travailler pour et avec ce type de développeurs. Ceux-ci sont de véritables dangers. Quelles que soient vos compétences techniques ou humaines, leur incapacité à dire qu’ils ne savent pas vous créera toujours des problèmes (planning non tenu, problématiques soulevées au dernier moment, recueil du besoin incomplet, évidence qui n'en sont pas).
Si vous côtoyez ce genre de personne, fuyez. Évitez tout projet en relation avec celle-ci. Vous risquez de finir dans le mur.
La culture d’entreprise
L’entreprise pour laquelle vous travaillez a aussi un fort impact sur votre capacité à répondre honnêtement. N’ayons pas peur des mots. Oui, il existe des entreprises dont la culture est toxique.
Il en existe de très nombreuses formes. Je ne pourrais pas toutes les lister. Prenons donc un exemple simple et souvent rencontré dans les ESN : « la culture de l’excellence ».
Celle-ci a souvent de beaux slogans tels que : « tous nos collaborateurs sont de véritables experts dans leurs domaines ». Mais en interne, aucun collaborateur n’a la moindre reconnaissance de ses supérieurs, car aucun supérieur ne sait vraiment ce que fait son subalterne. Dire que l’on ne sait pas, ou que l’on ne peut pas accomplir une mission n’est pas « possible ». Ai-je besoin de vous sortir le faux motif de rupture de contrat pour refus de mission? Non? On vous l'a déjà fait... Désolé, c'est un classique.
Cette culture finit souvent par la mise en avant des collaborateurs parlants plus qu’ils ne réalisent. Dans un contexte d’ESN mettant en avant l’obligation de moyens et non l’obligation de résultats, le collaborateur prend très vite de mauvaises habitudes. Il aura toujours une bonne raison pour ne pas avoir effectué son travail. Fort heureusement, il y aura un effet de bord inévitable à long terme : les clients finiront par perdre confiance.
Conclusion
Je n’ai présenté ici que quelques exemples pour donner une image « globale » de la problématique. À long terme, les choses finiront toujours mal pour la personne ne voulant pas admettre qu’elle ne sait pas. Cela peut aboutir à un départ volontaire ou non de l’entreprise. N’allez donc pas imaginer que ce type de collaborateur s’en sort toujours. J’ai croisé plusieurs profils de ce genre. Ils ne restaient jamais longtemps dans une entreprise. S’ils restent, c’est que le problème est lié à l’entreprise, ou que celle-ci ne veut pas admettre qu’il y a un problème.
Le monde est petit, tout petit. Mentir sur ce que l’on sait ou ne sait pas finit toujours par se savoir.
Voilà pourquoi je préfère dire que je ne sais pas, plutôt que de broder. C’est aussi la raison qui me pousse à toujours tendre l’oreille quand une personne parle de sujets qui me sont inconnus.
Apprendre, encore et toujours plus, tel me semble être le credo du développeur.
Le développeur apprend toujours. De toute manière, ce qu’il sait aujourd’hui risque d’être remis en cause, ou d'évoluer demain.